À la rencontre du duo qui cuisine des muffins dans une salle de concert à Paris

À la rencontre du duo qui cuisine des muffins dans une salle de concert à Paris

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Par Robin Panfili

Publié le

Des "english muffins" fabriqués sur place et de la truite fumée directement sur le toit du Point Éphémère.

Si la crise sanitaire a frappé de plein fouet les bars et restaurants qui restent portes closes depuis plusieurs mois désormais, les salles de concert ont vécu, elles aussi, un sort similaire, à l’image du Point Éphémère, situé au bord du canal Saint-Martin, à Paris.

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Comme pour redonner un peu d’âme à ce lieu en sommeil, deux garçons ont eu l’idée de venir occuper ses cuisines, sa salle et son toit-terrasse pour y cuisiner des “mouflets”. Pour faire simple : des “english muffins”, cuisinés à leur manière.

© Mouflet

Le premier est Zac, jeune chef de 27 ans de retour à Paris après avoir fait ses armes de New York (Eleven Madison Park) à la Nouvelle-Zélande en passant par l’Australie (Sepia) et Londres (Social Eating House, Opera Tavern…). Le second, David, est passé par les épiceries bio parisiennes La Récolte. On est allés leur poser quelques questions.

Konbini food | Quand est-ce que vous avez eu l’idée de sublimer le muffin anglais ? 

Zac | En fait, sublimer un muffin, c’est avant tout sublimer un pain original et peu connu en France. L’”english muffin” est un pain généreux, riche et brioché. Je l’ai vraiment découvert à New York, au Eleven Madison Park, et j’ai eu un coup de cœur. À mon sens, il n’y a pour moi pas meilleur pain pour faire un sandwich. C’est le seul pain que je connaisse qui associe autant de textures une fois toasté ou gratiné.

Il y avait donc d’abord le défi de faire du pain sur place, avec les températures du labo et des matières premières, et celui de faire un pain “durable” à partir de farines de tradition française, très différente de celles utilisées aux États-Unis ou en Angleterre.

© Konbini Food

Quelles sont les contraintes pour la confection un muffin parfait ?

Zac | Ma recette diffère un petit peu de la recette traditionnelle – pas tant dans les ingrédients que dans leur dosage et dans le processus de fabrication. J’ai fait le choix d’attendre que ma pâte soit à l’apogée de sa saveur avant de la servir à mes clients.

C’est-à-dire ?

Zac | Une fois la pâte réalisée, on laisse agir une première levée 24 heures en chambre froide (entre 3 et 5 degrés) avant d’être portionnée en pâtons de 150 g. Je fais ensuite lever la pâte une deuxième fois afin d’assurer au pain une certaine épaisseur. Je crée donc une atmosphère à 35 degrés en chaleur mixte pour que mes pains puissent lever de manière homogène et régulière. Après ça, je les saupoudre de semolina – de la polenta fine – avant de les poêler à la plancha de chaque côté. Puis, je les enfourne à 180 degrés pour terminer la cuisson.

David | Aussi, notre mouflet est soumis à un cahier des charges très précis. On privilégie des aliments produits localement et de saison, on favorise le sans pesticides, on propose du poisson non surpêché, on fait beaucoup d’efforts sur les emballages et le gaspillage alimentaire…

© Mouflet

Combien de temps il vous a fallu pour trouver la recette parfaite ?

Zac | On a pris le temps de faire une période de crash test, durant laquelle nous avons pu développer les recettes de pain, garnitures, accompagnements et desserts… Je dirais que, en tout et pour tout, il nous aura fallu au moins quatre mois avant d’obtenir le mouflet que je sors aujourd’hui.

© Mouflet

Comment avez-vous sélectionné vos produits ?

David | Zac connaît beaucoup de fournisseurs et j’ai parcouru un peu toute la France lorsque j’étais à La Récolte pour le sourcing de notre centaine de fournisseurs. Nous avons donc à nous deux une belle connaissance du terroir français, de ses saisons et de ceux qui le respectent. En voici quelques exemples : la Maison Montalet dans le Tarn pour la viande et la charcuterie, Murgat pour la truite en Savoie, les farines des Moulins Bourgeois à Verdelot…

Fumage de la truite sur le toit du Point Éphémère (© Mouflet)

Vous fumez votre truite directement sur le toit du Point Éphémère, comment ça se passe ?

Zac | Le Point Éphémère est un énorme bâtiment qui dispose d’un superbe rooftop, sur lequel nous avons installé notre petit fumoir. L’idée nous est venue lors de la conception de la recette de mouflet à la truite. Il a fallu qu’on se montre suffisamment compétents pour assurer la préparation des filets de A à Z.

Par chance, j’ai beaucoup appris en matière de salage et fumaison lors de mon parcours. Le challenge réside donc dans la rigueur du process de fabrication. Mais aussi dans la créativité quant au mélange d’épices pour le saumurage. Le fumoir que l’on utilise est un fumoir traditionnel, il marche avec un serpentin qui permet l’incandescence lente et progressive de la sciure de bois de hêtre tout au long du fumage.

© Mouflet

Vous n’avez pas trop peur que les Anglais vous tombent dessus ?

Zac | J’invite tous les Anglais à venir goûter notre english muffin “à la french”. Je suis persuadé qu’il est encore meilleur, puisqu’il est fabriqué à partir de la crème des produits locaux durables français… qui, sans jugement de valeur, sont cent fois meilleurs que leurs produits. Vive le terroir français [rires]. Et s’ils me tombent dessus, qu’ils gardent bien en tête que j’ai quelques mouflets congelés à leur jeter dessus [rires].