J’ai passé deux ans à chercher la recette du gratin de macaroni parfait

J’ai passé deux ans à chercher la recette du gratin de macaroni parfait

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© Vincent Bégué

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Par Vincent Bégué

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Il m’aura fallu une quinzaine de tentatives, un voyage dans les Pyrénées et pas mal de courage pour y parvenir.

Il y a près de deux ans maintenant, je me suis lancé un défi fou : ajouter un nouveau plat à mon répertoire gastronomique, qui se résumait alors à deux recettes. Au terme d’une intense réflexion, c’est vers le gratin de macaroni au fromage que mon esprit s’est tourné, pas vraiment inconsciemment. C’est le plat réconfortant et hautement symbolique que me préparait ma grand-mère, autrefois, au lendemain de soirées trop arrosées.

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Plus ou moins fraîchement débarqué sur Paris, en janvier 2019, je me suis rapidement rendu compte qu’il me manquait un accessoire indispensable à la réussite et au bon déroulement de cette folle aventure : un four. Après tout, à quoi bon sublimer l’art du gratin de pâtes sans ce qui constitue son essence et sa raison même d’exister, à savoir une couverture dorée et croustillante ?

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Le nœud de ce premier obstacle s’est défait à 800 kilomètres de mon appartement parisien, dans mes Pyrénées natales. C’est là-bas que je suis allé récupérer ledit four – qui, vu son état, semble au moins avoir vécu les deux derniers passages de la comète de Halley –, avant de le trimballer maladroitement jusqu’à Paris, entre les quais de gares et les étroits couloirs de TGV. Je possède un sens pratique bien à moi, j’en conviens.

“Je me suis fait une raison…”

Four installé, trônant fièrement au milieu de ma cuisine, c’est non sans un certain courage que j’y ai enfourné mon premier gratin. Cette première tentative était loin d’être concluante, pour ne pas dire complètement navrante. Du gratin de pâtes que j’imaginais, au départ, plutôt séduisant, je n’ai tiré que quelques macaroni trop croquants, presque carbonisés, surplombés d’une tonne d’emmental râpé bon marché.

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Une fois essuyé le chagrin de cet échec, je me suis fait une raison. Il était temps de ravaler la prétention de cet élan autodidacte et de demander de l’aide à la cheffe de mon entourage en qui j’ai le plus confiance : ma grand-mère. Après un échange téléphonique constructif, je me sentais prêt. Le regain de motivation de cette conversation semblait m’avoir remis dans le droit chemin : celui d’une recette longuement élaborée par ses soins que j’avais entrepris d’expédier un peu trop rapidement.

Le syndrome du “coin à champignons” ?

J’étoffe alors la base de ma recette de ses précieux conseils, en faisant d’abord cuire les macaroni dans du lait, en y ajoutant de la crème fraîche, ainsi que de la chapelure obtenue à partir de restes d’une baguette vieille de quelques jours.

Une semaine plus tard, lors de la deuxième fournée, le verdict est sans appel : le plat est certes plaisant, à n’en pas douter meilleur que le premier jet, mais j’étais encore loin de retrouver le frisson gustatif et calorique du gratin de mon adolescence. Mamie m’aurait-elle menti pour garder avec elle, à jamais, sa précieuse recette, comme certains le feraient avec leur coin à champignons ?

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Quelque peu échaudé, je décide alors de donner une autre ampleur à mon défi : proposer à l’humanité la recette ultime du gratin de macaroni au fromage. Ce second échec est certes une incommensurable souffrance, mais il a le mérite d’apporter un sens tout à fait inattendu à ma vie, cette recette aura pour moi une valeur de révélation existentielle.

Mon aversion profonde pour le lait me contraint d’abord à abandonner son utilisation. J’évite ainsi la peine et le spectacle pathétique d’une série de haut-le-cœur, tout seul dans ma cuisine. Pour autant, le gratin ne s’en trouve pas meilleur.

L’illusion du mac and cheese

À l’image d’un véritable conquérant du gratin, je décide alors de trouver mon salut ailleurs, et de jeter un coup d’œil de l’autre côté de la Manche, et même de l’Atlantique, en m’intéressant au mac and cheese. Au fond, c’est un équivalent anglo-saxon de notre gratin de pâtes national, et c’est donc bien vers lui qu’il semble logique de se tourner.

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L’idée du cheddar ne me semble, dans un premier temps, pas complètement absurde, même s’il manque cruellement de subtilité. Mélanger du fromage de chez nous, bien que venant de Suisse, avec du cheddar me paraît davantage censé, en plus d’illustrer une belle union entre les peuples.

Cette fois, ce nouvel essai est davantage concluant, mais il manque encore et toujours ce petit quelque chose qui apporterait un peu de délicatesse à ce plat de brutes. Et pourtant, j’avais pris soin d’inclure à ma préparation de la noix de muscade, ainsi que de fines lamelles de jambon blanc supérieur, afin de m’affranchir de la consistance caoutchouteuse des dés de jambon industriels, et de renforcer ainsi le matelas de protéines de la recette. J’opte aussi pour de la chapelure industrielle qui se révèle, à ma grande surprise, bien plus efficace que ma chapelure de pain maison.

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Quelques mois plus tard, au milieu d’un hiver rude, c’est à l’aide d’une recette trouvée sur Internet que je décide de renfiler de tablier. Elle nous vient tout droit du répertoire gastronomique d’un petit chef qui ne vous dira sûrement rien, un certain Paul Bocuse.

Il est question d’une portion de 75 grammes de fromage pour quatre personnes. Ce Paul Bocuse n’a-t-il donc rien dans la pipe ? À titre de comparaison, ma recette accueille, en l’état, plus de 400 grammes d’un savant mélange – à 50/50 – de gruyère et de cheddar. Pour autant, je dois bien reconnaître à Paul Bocuse un point sensé : celui d’offrir de l’onctuosité par l’utilisation de crème fraîche et de lait.

“Je poivre tout, comme si ma vie en dépendait”

Ne consommant rien de liquide provenant des pis d’une vache, je m’acharne donc à trouver une parade en remplaçant le lait par deux jaunes d’œuf, du bouillon de volaille et 100 grammes de parmesan. Car on ne met jamais trop de fromage dans un plat, qui plus est un gratin. Dernier détail, et non des moindres, je poivre le tout comme si ma vie en dépendait.

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Après un énième et ultime essai, m’y voilà, mon chef-d’œuvre est né. Il m’aura, certes, fallu deux années et une quinzaine de tentatives, mais je pense humblement avoir apporté ma pierre à l’édifice avec cette recette de tous les excès. Et je suis prêt à mourir heureux. N’en doutez pas, cette recette est idéale pour affronter les hivers les plus rudes. En revanche, fuyez-la si vous avez l’intention de parader sur les plages l’été prochain.

Pour la recette, voici les ingrédients :

  • 500 grammes de macaroni
  • crème fraîche
  • un bouillon cube (ou un bouillon maison)
  • 200 grammes de comté
  • 200 grammes de cheddar (râpé) 
  • 100 grammes de parmesan (râpé)
  • 2 tranches de jambon blanc
  • 2 jaunes d’œuf
  • noix de muscade
  • beurre

Préchauffez votre four à 180 °C (th. 6). Lancez la cuisson de vos macaroni. Placez votre bouillon cube dans une casserole d’eau bouillante et beurrez votre plat. Découpez deux tranches de jambon en fines lamelles. Versez un pot de crème fraîche dans votre bouillon (veillez à ce que la sauce ait une bonne consistance), incorporez les 2 jaunes d’œuf, ainsi que les 100 grammes de parmesan.

Versez tour à tour et petit à petit vos macaroni, votre sauce, vos lamelles de jambon et 200 grammes de comté dans votre plat. Mélangez le tout. Recouvrez votre plat de 200 grammes de cheddar. Recouvrez avec de la chapelure. Enfournez votre plat pendant 20 à 30 minutes. Dégustez chaud.