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On a testé un “drag-show” gastronomique (et vous devriez faire de même)

On a testé un “drag-show” gastronomique (et vous devriez faire de même)

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(© Lise Lanot/Konbini arts)

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Dans l’assiette, sur scène ou dans le public, on ne savait plus trop où donner de la tête.

Il est 19 h 15, on avait rendez-vous à 19 heures mais il faut croire que ce n’est pas encore ouvert. Une pluie glaciale, très désagréable, bat son plein dehors. On est une petite dizaine à se coller aux portes du Zèbre de Belleville, à s’abriter en serrant nos parapluies les uns contre les autres. D’un coup, les portes s’ouvrent. C’est Philippe Quintin-Stern, le tonitruant fondateur et animateur de KingChefs and DragQueens, qui scande un “Bonjour !!! Rentrez, mes chéries”, nous faisant immédiatement oublier notre douloureuse attente.

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KingChefs and DragQueens, c’est l’agence événementielle qui organise – entre autres – le “musical gastronomique” que nous nous apprêtons à voir ce soir. Au programme : un menu en quatre parties signé de la cheffe Vanessa Robuschi, une ancienne candidate de Top Chef qui a ouvert le restaurant Question de Goût à Marseille.

© Lise Lanot/Konbini arts

On nous annonce que nos plats seront exécutés par son second de cuisine : le chef Mahir Atia. Les quatre parties culinaires seront accompagnées de quatorze numéros joués par quatre drag-queens pendant quatre heures : Cookie Kunty, Alice Psycho, Keiona Mitchell et Sublyme assureront l’accord mets et lip-sync.

Philippe nous accueille donc dans sa demeure mi-ranch mi-cabaret kitsch, dégueulant de motifs zébrés et de velours rouge. J’aime bien. À peine assises, on nous invite sur scène où une équipe de maquilleur·se·s s’amuse à transformer qui veut. Je regarde mon reflet : c’était Euphoria mais version “Rue addict”. L’homme qui s’occupe de me mettre des paillettes dans les yeux est très méticuleux, et j’entends mon amie dire à sa maquilleuse aux dents du bonheur qu’elle la trouve très belle. Mignon.

Alice Psycho en lingerie blanche. (© Lise Lanot/Konbini arts)

Les tables sont pleines, le lieu se remplit vite, le service est bienveillant. Nous commandons le cocktail signature de la cheffe : le “green-queen”, un mélange étonnant de P31 (un apéritif vert italien), de prosecco, d’eau gazeuse, de sirop de banane verte et de tabasco jalapeño. Ça pique et c’est parti.

Amuse-bouche : radis et sequins

Après l’introduction décomplexée de Philippe, c’est le premier numéro qui démarre. Sur une musique suave, Cookie entre en scène dans une robe à sequins bleu nuit. Elle joue avec le public, se balade parmi les tables, se balance, aguiche, accoste, flirte du regard, fait papillonner ses mains. Elle est élégante, telle Dita von Teese, porte un haut chignon blond et un dos nu qui révèle un grain de beauté. Elle quitte la scène pour laisser place à Keiona et Alice Psycho, vêtues de justaucorps vert et rose fluo. Leur numéro en duo résonne avec ce qu’on vient de me servir.

Alice Psycho et Keiona en duo “Amuse-Bouche”. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini arts)

Dans mon assiette : des radis roses fréquentent du beurre manié et son jus vert de fanes. Il manque la tuile de riz car “il y a eu une tuile avec la tuile !”, sourit Philippe au micro. Leurs costumes correspondent à la couleur de mes légumes. Alice et Keiona performent alors une chanson intitulée “Amuse-Bouche” en cuissardes et talons aiguilles.

J’ai fini mon amuse-bouche. Place à Sublyme qui imite, déguisée en Régine, époumonée, Gloria Gaynor, “I Will Survive”. Elle porte un costume noir fluide et un boa bordeaux se tortille le long de ses bras, les bijoux de Mamie scintillent à son cou. Ce numéro léger et comique en annonce un bien plus sexy pour clôturer l’amuse-bouche : celui d’Alice Psycho qui enchaîne avec une performance d’Aqua, “Barbie Girl”. Arborant une lingerie en dentelle blanche et des porte-jarretelles, elle joue avec le public et lip-sync des chansons très pop. De quoi passer en beauté à l’entrée.

Un peu de Charleston avec Keiona. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini arts)

Entrée : asperges et Charleston

Keiona entre en scène pour un hommage à Joséphine Baker et son numéro “C’est ça le vrai bonheur”. En robe à franges comme les danseuses de Charleston, Keiona est chaudement applaudie tant sa performance nous plonge dans le Paris des Années folles. Ses mouvements, son dynamisme et sa malice nous mettent de bonne humeur pour attaquer ce qui arrive.

Dans mon assiette : des asperges mimosa arrosées d’une mayonnaise aux herbes montée à l’huile de noix. Pas grand-chose à voir avec les numéros de cette partie mais la mayonnaise est forte en goût et j’apprécie cette fraîcheur. S’ensuit un numéro de marionnette mené par Cookie, qui parle d’Internet et de porno, puis une performance d’Alice Psycho en veuve coiffée d’un long voile noire. Magnétique et sombre comme Maléfique, elle rejoue des dialogues de cinéma.

Plat : merlu, diamants et effeuillage

Avant de passer au plat, un numéro végan est réalisé par Sublyme, que je trouve absolument raffinée. En combinaison de velours noir, ceinture de perles, traîne verte et sous un éclairage émeraude, elle prône le véganisme en chantant : “Encore un omnivore, encore un prédateur, je suis juste une fille végane dans un monde fou”, qui me rappelle “It’s A Man’s Man’s Man’s World” de James Brown. Tout ça pour introduire la version végan “poireaux protéinés” de mon plat, moi qui ai choisi le poisson.

Dans mon assiette : un merlu côtoie une huile de pépins de raisin et persil, et s’entoure d’une tatin d’échalotes au miel. En présentation, ce n’est pas aussi raffiné que Sublyme, mais c’est nourrissant et riche. Aussi riche que le numéro qui suit : dans une tenue typique et clinquante, Keiona s’adonne à une danse brésilienne narrant une rencontre amoureuse, la sienne, lors d’un voyage dans ce pays d’Amérique du Sud. Son petit ami brésilien est dans la salle et monte sur scène pour raconter leur coup de foudre. De loin, je le vois filmer sa dulcinée, avec un regard de loup amoureux.

Toujours aussi fine, Sublyme s’invite sur scène pour un numéro d’effeuillage qui reprend la chanson d’Eartha Kitt, “Champagne Taste”. J’apprends de cette leçon de posture et d’élégance. Son costume trois pièces virevolte et elle termine en lingerie, à siroter du champagne sous un tonnerre d’applaudissements et quelques cris excités. Là, c’est Patsy Cline, “Crazy”, qui résonne dans la salle. Cette chanson fait toujours son effet. Alice Psycho porte un habit de reine et rejoue des extraits de musique et de cinéma, avant de passer au dessert.

Dessert : mille-feuille et salsa

La soirée s’étend. Voilà quatre heures que nous sommes attablées. Après un peu d’attente, je commence à caler. Mon estomac commence à comprendre qu’il est rassasié, par la bouche et par les yeux. Mais le show continue : Keiona, dans un body en sequins argentés, interprète une chanson intitulée “Where Is My Wig?”. Cookie prend le relai avec un numéro de salsa. Sa gestuelle m’hypnotise et je “shazame” la chanson : elle est de Nathy Peluso, “Puro Veneno”. Le dessert est là.

Dans mon assiette : un mille-feuille à la fleur d’oranger fourré à la marmelade de pamplemousse et estragon. Je n’aime pas tellement les desserts aux agrumes mais celui-ci passe étrangement bien. La crème est très aérée et s’accorde avec le croquant du mille-feuille. En fond, toutes les drag-queens montent sur scène pour interpréter leur hymne : “Put a Drag on Your Way”, “Aie une drag sur ton chemin”.

Le spectacle est fini et le dancefloor prend le relai. Le public n’est pas timide et très vite, la scène se bonde. On danse un peu sur Dua Lipa, puis on sort. On a encore envie de danser, et les paillettes qui nous recouvrent nous rappellent à la fête. Je ne peux pas la retenir, mais mon amie se dirige vers un spectateur pour lui dire qu’il bouge très bien, sur le dancefloor. Le bilan est unanime : on a passé une belle soirée. Une semaine après, je retrouverai encore des paillettes dans mon écharpe et dans mes cheveux, tant le souvenir de cette soirée, de Keiona, Cookie, Sublyme et Alice Psycho ne voudra pas me quitter.

Alice Psycho en reine. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini arts)

Keiona, “Where Is My Wig?”. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini arts)

Salsa avec Cookie. (© Lise Lanot/Konbini arts)

Cookie s’apprête à sortir ses marionnettes et chanter sur l’Internet porno. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini arts)

Les prochaines représentations de KingChefs and DragQueens auront lieu les 8 juin et 1er juillet à la Nouvelle Ève (Paris). De nouvelles dates pour cet automne, à Metz et à Paris, seront prochainement annoncées. Toutes les informations pour réserver sont ici.